Cliché Quoidevert? |
Le site est à 25 km de la ville. Il
offre des montagnes d’ordures qui représentent «960 tonnes de déchets journalières», selon le gérant de la
bascule. Une enquête commencée en 2006 montre qu’en décembre de cette année que
14 pour cent des habitants de la zone sont affectés de maladie respiratoire.
Une étude des résultats de l’enquête avait poussé la direction technique de la
Communauté des agglomérations de Dakar (CADAK) à engager un processus d’arrêt
d’exploitation de la décharge. Et de la transférer vers le centre
d’enfouissement technique de Sindia, dans la région de Thiès. Jusque-là sans
suite.
Selon Dr Diané du district sanitaire
installé en plein cœur de la décharge, les cas ne sont pas si «diaboliques», vu
la pollution de l’atmosphère. il soutient : «Les cas les plus fréquents sont les enfants qui sont affectés
par les infections respiratoires, broncho-pulmonaires et des asthmes.»
Il ajoute : «On note la
présence du paludisme parce qu’il y a de l’eau stagnante au niveau de la
plateforme. Avant d’être ministre de l’Environnement, Ali Aïdar passait de
temps en temps. Il comprend donc le danger que représente la décharge. Les
personnes qui vivent aux alentours du site subissent les radiations que des
produits non identifiés provoquent.»
Demba Ka,
cultivateur dans le quartier de Diamalaye, tient un périmètre familial au bas
des montagnes de déchets. Il évoque le degré irréversible de calcination des
cocotiers et la disparition des arbres : «La fumée a tout détruit, nous restons impuissants face à cette
situation. L’Etat ne fait que dans la spéculation et ne prend pas de
mesures concrètes pour arrêter ce désastre. Il avait prévu sa fermeture, mais
jusqu’à présent on attend. Nous vivons de notre culture familiale et sommes
loin d’être des salariés. Nos vies sont menacées. La fumée n’est pas une bonne
chose pour la santé. La solution idoine est de déguerpir du site.Cliché Quoidevert? |
Sur les allées qui mènent vers la
plateforme, des trieurs d’ordures. Hommes, femmes et enfants, de tout âge. Ils
se précipitent pour être les premiers sur les véhicules qui viennent pour
déposer les déchets. Histoire de se faire une part belle. Dès l’entrée des
camions les trieurs s’accrochent derrière pour se les approprier. Quel que soit
le prix sanitaire.
Selon Awa, l’une d’entre elles, «la fouille s’opère lors du trajet des
camions de poubelles vers la plateforme, car il existe une âpre dispute pour
les territoires».
Le visage couvert de poussière, elle ramasse les ordures depuis 8 ans. Et n’a jamais consulté de médecin, malgré une toux chronique, qu’elle dit adoucir avec du lait chaque soir.
Le visage couvert de poussière, elle ramasse les ordures depuis 8 ans. Et n’a jamais consulté de médecin, malgré une toux chronique, qu’elle dit adoucir avec du lait chaque soir.
«Je m’appelle Awa. J’habite Keur Massar. C’est ici que j’effectue les tris.
La vie est dure à Dakar. Il y a trop de monde à l’intérieur de la décharge et
ils n’hésitent pas à prendre tes tas de collecte. On préfère rester à la porte.
Nous cohabitons avec ces petits que vous apercevez au sommet. Il n’y a pas
longtemps, un camion a écrasé deux d’entres eux. Si on tue une personne sur ce
trajet, c’est elle qui perd. Pour ce qui est de mon état de santé, je sens des
douleurs aux poumons, je n’ai jamais consulté un médecin pour savoir ce qui se
passe. Mais je bois du lait et je continue le travail. C’est l’unique solution pour
gagner ma vie».
Modou Diop, chauffeur de benne à
ordures depuis 2004, travaille pour INTRACOM, une société de collecte
d’ordures. Sans masque de protection, il déclare : «La fumée des ordures qui brûlent nous envahit. Ce qui se passe ici est
indescriptible, ne parlons même de la saison des pluies qui va bientôt
arriver.» Pour ce qui est des enfants qui s’accrochent derrière les
véhicules, «nous sommes obligés de
rouler doucement pour décharger les ordures. Ces personnes nous gênent dans le
bon déroulement de notre travail. Avec ces pratiques, ils risquent
quotidiennement leur vie».
Des bouteilles en plastique isolées
prêt à être commercialisées ne manquent pas d’attirer l’attention. Sur un
espace aménagé, des tentes en zinc, carton, tissus, bref tout ce qui offre de
l’ombre. Sous un soleil de plomb, un homme en casquette, fume sa cigarette,
assis sur une chaise.Mactar, trieur de son état, collectionneur de plastique,
il y a de cela 2 ans, se dit businessman. Pour lui, «être à proximité des poubelles, c’est choisir de s’exposer à toutes
sortes de maladies. Je fais attention en me protégeant avec des caches
poussières, des lunettes, des casques. Mais avec le rythme du travail, on a
tendance à négliger ces éléments. Si j’avais un autre job, je serais moins exposé».
Son amour pour l’argent l’a poussé à abandonner ses études en classe de 3e.
Pour se consacrer à la collecte, il dit avoir les idées claires qu’avec
l’argent. Et soutient que «la
plupart du temps, ceux qui sont là sont des analphabètes. Ils ne se soucient
pas des problèmes de santé». Il ajoute : «Mbeubeuss me donne tout ce dont j’ai besoin. Si les autorités décident
de transférer le site, c’est simple, nous allons nous déplacer aussi.
D’ailleurs Abdoulaye Wade (président à l’époque) était le premier «boudiou man» (trieur) car il voulait s’approprier la décharge à cause du business juteux.»
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Si Mbeubeuss représente une mine
d’or pour les trieurs, les riverains ont un autre discours. Selon Ousmane
Sogui, habitant de Diamalaye, «Mbeubeuss
est un calvaire, une calamité voulue par des magouilleurs». La voix cassée,
il soutient : «Il y a des moments ou
on est envahi par la fumée noire qui nous empêche de voir. Comment avoir
l’esprit tranquille dans ces conditions ? Nous sommes sans soutien. Nos
problèmes sont étouffés par des deals entre les autorités. Mbeubeuss n’arrange
personne. Ceux qui font les tris disent gagner leur vie, mais ils nous causent
du tort. Tous les arbres sont carbonisés, à cause des pneus qu’ils brûlent.»
Depuis la lutte contre le réchauffement
climatique avec le protocole de Kyoto qui a instauré en 2001 le Clean
Development Mechanism (CDM) ou mécanisme de développement propre (MDP), le
Sénégal a élaboré dans la même année un code environnemental qui prend en
compte dans l’article l2 «l’émission polluante» qu’il définit comme
une : émission dans l’atmosphère de gaz ou de particules
solides ou liquides, corrosifs, toxiques, radioactifs ou odorants, de nature à
incommoder la population, à compromettre la santé ou la sécurité publique et
à nuire à la production agricole, aux massifs forestiers, à la conservation des
constructions et monuments ou au caractère des sites. Mais le code reste dans
les tiroirs.
La
pollution de l’atmosphère est une réalité à Mbeubeuss et ses environs. Sous l’ombre
de ce capharnaüm environnemental, des entrepreneurs se frottent les mains
pendant que plus de 3 500 trieurs mettent leur vie en danger. Prenant en otage
des habitants qui ne demandent que de vivre dans un environnement sain.
Par Pape Mbor NDIAYE
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