mercredi 16 juillet 2014

«Le projet GAVAD pallie les limites de la gestion traditionnelle des déchets».Interview de PIERRE DIOH, Maire Adjoint de Joal-Fadiouth.

Pierre DIOH adjoint au Maire de Joal-Fadiouth
PIERRE DIOH, Maire Adjoint, Promoteur des projets GIVAD (Gestion Intégrée et Valorisation des Déchets dans la Commune de Joal-Fadiouth) et GAVAD (Gestion Améliorée et Valorisation Agricole des  Déchets dans les Communes de Joal-Fadiouth et de Mbour.)

«Le projet GAVAD pallie les limites de la gestion traditionnelle des déchets»

Quoi de vert ? : La pression démographique et le solde migratoire  assez élevé rendent complexe la gestion des externalités négatives. Avez-vous des données sur la production de déchets actuelle dans les localités que couvre  le projet GAVAD ?
Pierre Dioh : Une idée sur des quantités en tonnage, non. Mais quand on a démarré le projet, on avait déjà quantifié, au niveau des ménages, quelle était un peu la production. Maintenant, il faut qu’on retrouve ces chiffres et qu’on les multiplie par le nombre de la population, pour avoir une idée.
Mais je pense qu’il n’y a pas à trouver un tonnage. En se  promenant, on se rend compte  que les villes de Joal et de Mbour sont des zones de concentration et d’externalité, du fait de l’activité de pêche qui attire une très forte migration. Et quand on parle d’externalités  négatives, ici, c’est surtout le plastique et les ordures ménagères. Les gens mangent dans la rue, parce que, socialement aussi, ils ne s’en rendent pas compte. Quand vous êtes dans une ville de migration, les  populations sont dans des conditions précaires, et  elles produisent  plus d’ordures.  Ce sont des gens qui sont les plus compliqués à gérer, parce que quand les ordures sont générées dans les foyers, c’est possible de les collecter et cela ne pose pas de problème. Mais quand elles sont générées par des gens qui sont là aujourd’hui, là-bas demain, qui n’ont pas de domicile fixe, qui ne s’attachent pas trop à un milieu géographique bien précis, il est difficile de gérer ces ordures-là.
Quand une partie  des ordures  est générée au niveau domicile et une  autre  partie régulièrement à travers les restaurants et les vendeurs ambulants, à travers ces gens qui mangent dans la rue, il y a  des facteurs aggravants qui rendent complexe la gestion des ordures dans des villes comme Joal et Mbour, qui sont des villes de pêche.
 Comment avez-vous accueilli le projet GAVAD ?
Le projet GAVAD, nous ne l’avons pas accueilli, c’est nous qui l’avons promu. Nous en sommes les promoteurs. Il est né d’un projet-pilote qu’on avait déjà essayé à Joal, sur deux quartiers : Ndiong et  Mbelegnuim. C’est là-bas qu’on a testé ce qu’on est en train de faire aujourd’hui en grandeur nature, dans la ville. C’est parce que ça avait fonctionné au niveau de ces quartiers qu’on s’est rendu compte qu’une approche communautaire  est l’avenir de la gestion des ordures dans les petites villes comme Joal. Je ne sais pas si cette approche est faisable dans les grandes villes comme Dakar, Saint-Louis ou Thiès, mais dans des villes comme la nôtre, il est non seulement possible de gérer les ordures, de les maîtriser, mais aussi de créer des emplois et des richesses tout en assainissant l’environnement.

Malgré les  habitudes cultivées, la gestion des ordures ménagères est une compétence transférée.  Qu’est-ce qui a bloqué le système traditionnel de la  gestion des ordures ménagères ?
Ça n’a pas bloqué. En fait, le projet GAVAD est une réponse aux limites qu’on a constatées dans la gestion traditionnelle des déchets dans les collectivités locales. En tant que compétence transférée, ce que toutes les communes du Sénégal qui avaient les moyens faisaient, c’était d’acheter un camion et de collecter quotidiennement les ordures le long de la route. On s’est rendu compte que cela ne marchait pas. Dans une ville comme Joal, on se rend compte qu’il y a un dessin  longiligne avec une seule route goudronnée. Avec 15 tonnes de poids sans les ordures, ces camions ne peuvent pas aller dans les zones sablonneuses. Si vous allez à Mbour, vous avez une zone qui s’étend sur des milliers d’hectares où il n’y a pas de route goudronnée. Cela veut dire que si le camion s’aventure en dehors de la route, il s’embourbe. Ça, c’est un premier facteur qui explique pourquoi ce système traditionnel dont vous parlez a bloqué.
Ici, compte tenu de la longueur de Joal, le camion qu’on avait, quand il prenait départ à la mairie, il ne peut pas aller à Fadiouth, qui est une partie intégrante de la ville, mais malheureusement insulaire. Ce qui veut dire que Fadiouth à lui seul justifie le fait qu’on puisse réfléchir à un système communautaire de gestion des ordures.
Mais dans le cas précis de la ville de Joal qui s’étend pratiquement sur 5 km de long, vous prenez un camion avec une benne le lundi matin, parce que les  fonctionnaires ne travaillent pas les week-ends, même s’ils n’ont pas le même statut que les autres fonctionnaires, parallèlement, c’est les jours où les populations sont dans leur foyer, subséquemment, et ce sont les jours où il  y a le plus d’ordures et le système ne fonctionnent pas. Ce  qui veut dire que pendant deux jours, il n’y a pas de collecte d’ordures.
Le lundi, quand le camion  commence la collecte des ordures, avant de faire le tiers de Joal, il est plein. Donc il faut aller décharger. A 16 h, quand les gens descendent, ils n’ont pas fait la moitié de Joal. Ce qui veut que dans certains quartiers, surtout ceux qui sont au bout de la ville ou  sur les 2 derniers kilomètres, les ordures du samedi, du dimanche et du lundi n’ont pas été collectées, et celles du mardi sont encore dans la rue, parce que le camion n’est pas venu depuis vendredi. Car les gens n’ont pas travaillé le samedi et le dimanche, et le lundi, ils n’ont pas pu terminer le circuit. C’est ce qui explique la présence, au bout de la ville, des tas d’ordures.
Parallèlement, en plus des animaux errants qui viennent culbuter les bacs à ordures, les femmes n’ont pas envie de se faire voler leurs poubelles. C’est ce système-là qui a échoué. On s’est rendu compte que le système de collecte avec des camions à benne ne marche pas parce qu’il y a des jours qui sont où fériés ou non-ouvrables et l’on ne peut pas obliger les gens de la voirie qui sont des fonctionnaires à aller travailler.
Donc, le projet GAVAD est une réponse à ce système-là.  La gestion des déchets est une compétence qui appartient à la commune qui est, par extension, la communauté de Joal. C’est la population, c’est le quartier. Au nom du principe de subsidiarité, on a demandé aux gens d’appliquer la compétence qui était revenue à la mairie et que cette dernière ne pouvait pas assumer, compte tenu des problèmes techniques dont je viens d’évoquer. Donc, au lieu de faire une collecte traditionnelle qui a échoué partout, même à Dakar, on va faire une collecte communautaire.
  
A quoi consiste la collecte communautaire ?
Elle est simple. Nous avons demandé aux quartiers de gérer leurs ordures eux-mêmes. En quoi faisant ? Nous avons éliminé le véhicule. Nous avons donné à chaque quartier une charrette et un âne ou deux charrettes et un âne, selon sa dimension et celle des foyers. La charrette collecte les ordures du quartier uniquement.
Nous avons demandé aux populations de participer à cet effort, indépendamment de la TOM (Taxes sur les ordures ménagères) qui est versée. La participation est de 500 à 1 200 F CFA par foyer et par mois. Selon un processus de communication et de  sensibilisation qui a duré plus de deux ans, nous avons installé des comités de salubrité  autonomes dans chaque quartier. Ces comités gèrent la charrette et le matériel qui a été  mis à leur disposition par la mairie. C’est-à-dire l’âne, la charrette et le petit matériel. Le charretier devient un salarié du quartier. Tous les foyers payent et c’est le quartier qui gère son argent. A la fin du mois, quand le charretier est payé, il leur reste de l’argent dans les caisses et le quartier est propre. Quand les charretiers se lèvent, ils collectent toutes ordures de tous les quartiers facilement avant 11 h. C’est ce système-là qu’on a essayé comme projet-pilote au niveau de Mbélégnème et de Ndiong, et qui a marché. Il nous a fallu 3 millions de l’ONG Tostan pour faire ce projet pendant 2 ans.

Quel sort réservez-vous aux ordures collectées ?
Les ordures ont une valeur et nous avons rajouté la partie valorisation en faisant du compost. La nécessité de faire du compost donne une autre obligation, celle de trier les ordures. Nous avons réussi à convaincre les populations à trier les ordures à domicile. Ainsi, ce qui est compostable va dans une poubelle rouge et ce qui ne l’est pas et qui pourrait faire aussi l’objet de valorisation est recueilli dans une autre poubelle.
Donc le projet GAVAD prend en compte la gestion communautaire des déchets et leur valorisation en aval. C’est ce qu’on a réussi à faire à Mbélégnème et à Ndiong et que la mairie a continué à faire à travers des financements propres dont certains nous venaient de l’Italie, de l’ambassade des Etats-Unis et de l’USAID d’autres de WWF.  
Ensuite, nous avons étendu le projet à quatre autres quartiers sur fonds propres. C’est compte tenu de cette expérience qu’on a eu l’appui technique d’APTE qui  nous a aidé à  monter un projet qu’on a soumis à l’Union européenne et qui a été financé. C’est le projet GIVAD. Mais son financement ne couvrait pas toute la ville de Joal. Quand vous faites le système sans couvrir toute la ville, c’est comme si vous ne faites rien. Parce que s’il y a une partie qui est propre et une autre qui ne l’est pas, les ordures des quartiers sales vont contaminer ceux qui sont propres. C’est comme dans la médecine, si vous mettez ensemble quelqu’un qui est malade et quelqu’un qui ne l’est pas, le sujet malade va contaminer le sujet bien portant. C’est alors qu’on a eu la chance et l’opportunité, avec l’appui des experts d’APTE de proposer un autre projet qui a été encore financé par l’Union européenne, avec des arguments convaincants. C’est vrai qu’on avait un document qui était bien ficelé, en plus de notre expérience du terrain et qu’on a essayé de vendre à plusieurs communes du Sénégal. Je vous garantis qu’il y a eu plus de 100 communes qui sont venues ici s’imprégner de cette expérience, y compris  des communes d’arrondissement de Dakar. On en a eu plus de 80 qui nous viennent de Kaolack, Tamba et qui sont encadrées par le projet CARITAS., mais aussi des éco-villages. Et beaucoup de communes sont en train de tenter cette approche.
Pour  résumé c’est une gestion communautaire qui permet aux populations de gérer leurs ordures et que la mairie s’occupe de deux choses : en amont, elle donne l’équipement à travers les ânes, les charrettes et le petit matériel de collecte. En aval, elle s’occupe de la valorisation.
La mairie crée des centres de compostage et des centres de dépôts des 5 ou 6 % qui vont rester et qui ne sont pas valorisables, c’est-à-dire la ferraille, les éclats de verre, etc. 
Aujourd’hui, nous y avons même ajouté une autre dimension : la  gestion du plastique. Nous avons actuellement la capacité technique et financière de gérer le plastique pour qu’il disparaisse de Joal, même si l’Etat pense faire une loi. Je pense que ce n’est pas une loi qui va régler la problématique du plastique, mais plutôt un comportement. Si vous prenez la drogue, malgré son interdiction, elle est omniprésente au Sénégal.

GAVAD est une réponse  aux limites de la gestion traditionnelle certes, mais ce matin, en arrivant à Joal, nous avons aperçu la présence des  tas d’ordures à l’entrée. Pourquoi ?  
C’est  lié au fait que le projet est en cours et qu’il n’est pas fini. On a un projet qui est un peu dangereux, parce qu’il ne peut marcher que  quand toute l’infrastructure sera mise en place. Et malheureusement les projets ne fonctionnent pas comme ça. Dans la planification, on n’a pas pu mettre toute l’infrastructure sur place tout de suite.
L’infrastructure c’est deux choses : il y a le matériel qui est destiné à la communauté pour la collecte des ordures et celle qui est destinée au traitement des ordures. Du point de vue des communautés, on a tout donné, et même des sacs pour collecter le plastique au niveau du foyer.
Mais aujourd’hui, dans la zone de Santhie, on n’a pas encore mis sur place les centres de compostage. S’il n’y a pas de centre de compostage, il n’y a aucune raison de demander aux gens de trier les ordures. Et quand ils ne trient pas, parfois vous retrouvez les ordures dans la rue.
Mais quand vous rentrez dans les quartiers qui sont aux alentours de la mairie, il n’y a  pas ce phénomène, parce que le projet est parti de ces zones vers la zone de Santhie qui est plus compliquée. On est parti des quartiers traditionnels où il y a plus de  connaissance, plus de cohésion sociale, où il y a plus de stabilité sociale. Parce que les populations traditionnelles de Joal  vivent-là.  Et c’est différent. Quand vous allez dans les villes comme Mbour et Joal, les habitants et les gens qui y vivent n’ont pas le même comportement. La personne qui habite dans les quartiers de Ndiong  ou de Mbourdiouham, n’est là parce que son papa, sa maman et son grand papa étaient tous-là. Cette personne s’occupe de son environnement. Et quand vous lui donnez une solution comme GIVAD ou GAVAD, cette population adhère automatiquement. Parce qu’elle y trouve son compte du point de vue de la salubrité et de la vie sociale. Si vous allez dans ces quartiers, les populations  ont des «Nguel», des places publiques où  elles se retrouvent  pour faire vivre ce ciment  social.
Or, quand vous allez dans les quartiers d’extension, cette vie sociale n’existe pas. Ce sont des Kadjor-Kdjor, des Baol-Baol, des Diolas, des Toucouleurs qui sont venus pour la pêche.

Comparée à plusieurs autres villes du Sénégal, Joal reste une petite ville.  Quelles solutions définitives pour parvenir à ménager ces quartiers d’extension ?
La ville de Joal a quadruplé en moins de vingt ans. C’est très rare au Sénégal.En 1981, cette ville s’arrêtait à peu près à 100 m de la gendarmerie. Le tracé allant du quartier des HLM jusqu’au port n’existait pas.
Aujourd’hui,  les trois-quarts de la population de Joal habitent dans la zone d’extension. A titre d’exemple, puisqu’on est dans un contexte d’élection locale, je vous donne un chiffre qui va être facile à calculer. La population électorale de Joal tourne autour de 18 000 électeurs. A Fadiouth, nous avons à peu près 1 000 électeurs. Dans les quartiers traditionnels de Joal, ils sont environ 5 000 électeurs. Pour un total de 6000 électeurs. Les 12 000 électeurs qui restent  sont  dans des zones qui n’existaient pas. A la place, il y avait une forêt en 1981. Après les mauvaises récoltes de 1981, c’est l’Etat du Sénégal, à  travers  l’armée qui a aidé la commune de Joal à faire un lotissement. Une grosse partie de cette population n’est pas encore stabilisée à Joal. Parce que vous savez aussi bien que moi que les pêcheurs migrent en fonction des saisons. C’est ce qui fait qu’on note la présence des  Guinéens, des Burkinabè, des Maliens, pour  au moins 6 mois. Même s’il y a certaines espèces qui sont péchées saisonnièrement, à Joal, la pêche est continuelle.
Parallèlement, les activités de la transformation qui concernent à 80 % la sardinelle, amènent les femmes à s’installer ici. A cela s’ajoute toutes les populations des villes aux alentours  qui n’ont rien à faire après l’hivernage et qui viennent à Joal où elles peuvent facilement trouver  des emplois, de l’argent et surtout de la nourriture à très bon marché. Une grosse partie de cette population n’est pas stable.
Pour la petite histoire, lors du dernier recensement, il arrivait qu’un agent  fasse quatre ou cinq aller-retour dans une maison, avant de tomber  sur  ses occupants ; ils ne sont jamais là. Ces gens-là, il est difficile de les gérer. Le système est basé sur  le principe du chef de la famille. On dit que cette maison appartient par exemple à Mme Dia. Donc quand on fait le recensement c’est le chef de famille qu’on recense. Si vous allez à Santhie, vous trouvez une maison avec 6 pièces ; en dehors du propriétaire qui est absent, il n’y a que des locataires, ce sont des pêcheurs. Ils ne sont jamais là. Quand ils arrivent, c’est pour se débarrasser de leurs bagages, aller dans les restaurants, dans les bars se défouler. Ces pêcheurs, au bout de quelques mois, s’en vont. On ne peut pas les gérer et c’est eux qui  génèrent beaucoup plus d’ordures.
L’aspect social qui permet au quartier d’être cohérent  et  bien organisé autour du comité de salubrité pose aussi problème. Dans  les quartiers traditionnels comme Mbélégnème et Ndoubab qui abritent des «Ngeul» ou tout le monde se connaît, dans les quartiers d’extension comme Santh les gens ne se connaissent pas. Sur 10 personnes, le délégué de quartier ne peut identifier que 4 ou 5 individus. Et quand vous voulez faire un projet sur une base communautaire, il faut que la communauté existe socialement. Je n’ose pas prononcer le mot périphérie, ce sont des Joaliens à part entière, mais l’absence  d’infrastructures, le  problème ardu de la  sensibilisation, et de la  cohésion sociale rendent difficile la manœuvre dans les quartiers d’extension.
Mais nous espérons que quand nous aurons mis les infrastructures sur place et en mettant en synergie nos efforts, on pourra corriger toutes ces difficultés.

Avez-vous identifié des pistes de solutions ?
Nous sommes en train d’installer deux infrastructures et il y a un troisième chantier qui n’est pas encore ouvert. Quand on aura terminé toutes ces infrastructures, ça sera plus facile. On va reprendre la sensibilisation. On s’est aussi adossé sur un projet d’ENDA-Santé qui est ici à Joal et qui travaille dans le cadre de la santé avec une approche environnementale.
Je pense que la priorité ce n’est pas de soigner les gens, mais c’est d’éviter qu’ils tombent malades. On sait qu’à Joal, la santé est intrinsèquement liée à l’environnement. Aujourd’hui, nous avons un protocole d’accord qui nous lie. C’est dans ce cadre qu’on a formé 26 relais. Des Joaliens qui sont installés ici et qui sont répartis dans les différents quartiers. Et on a fait de telle sorte qu’à la fin du projet, qu’ils puissent continuer à faire cette sensibilisation. C’étaient déjà des relais communautaires qui étaient sur le terrain, mais à qui on a renforcé, en termes de gestion des ordures et de l’environnement.
Nous envisageons aussi d’initier un  certain nombre de formations pour que les comités de salubrité fonctionnement mieux. Le projet qui va au-delà de la communauté  pose aussi le problème de la participation, de la démocratie et le devoir de  rendre compte. Une partie de la population adhère parce qu’elle sait que c’est transparent. L’autre partie  refuse parce qu’elle se dit qu’elle ne sait pas où va l’argent. Ce n’est pas seulement les politiciens ou l’administration qui doivent rendre compte, c’est une demande des populations qui sont à la base. Cette demande tourne autour de la transparence et de la  démocratie. Dans ce sens, avec les experts qui viendront, nous tiendrons des ateliers  de formation pour apprendre aux gens à rendre compte régulièrement pour permettre deux choses :
-                convaincre les gens qui hésitent parce qu’ils pensent que l’argent va être bouffé,
-                faire fonctionner le projet, parce que si le charretier ne travaille pas, le projet ne fonctionne pas. Et si ce dernier n’est pas payé, il ne travaille pas. Son salaire dépend du payement de chaque foyer. Même s’il existe, dans certains quartiers, des foyers qui n’ont  pas la capacité de  payer du fait de la pauvreté extrême, socialement la communauté doit les soutenir et continuer à enlever. Parce que si on l’exclut du système de collecte, ses ordures vont  rester dans la rue.
-                Au niveau des quartiers d’extension,  même si  on n’a pas la  même  ambition, je pense qu’il nous faut trouver une masse critique pour que les gens qui participent au projet soient un peu plus nombreux. De ce fait, ceux qui ne participent pas vont être gênés et participer à leur tour.

Nous sommes dans un contexte d’élection locale. Quel bilan  pouvez-vous mettre sur la table pour mériter à nouveau la confiance de la population  de Joal-Fadiouth ?
La question que vous posez est compliquée, parce que le contexte de Joal est particulier. Le maire titulaire de Joal est sortant. Mais je pense me prévaloir d’un certain nombre d’acquis.
Du point de vue politique, je pense que c’est un projet porteur, parce que pratiqué dans les foyers. Ce sont des femmes qui nous voient chaque jour venir leur parler, leur donner des poubelles quasi gratuitement. Des quartiers qui nous voient leur fournir des charrettes, remplacer les ânes morts, assurer la formation  et les sensibiliser, les aider à assainir leur environnement.
De ce point  de vue, le projet est porteur politiquement.

Après la fermeture de la décharge de Mbeubeuss et malgré le refus des populations, quels regards portez-vous sur la sur l’implantation du site de Sindia ?
Vous avez posé  deux choses : la fermeture de Mbeubeuss d’abord. Du point de vue environnement, c’est un processus qu’on ne peut pas arrêter. Il faut que Mbeubeuss disparaisse. Le refus des populations  au niveau de Sindia a peut-être posé un problème de communication et d’incompréhension. Mais je pense que l’Etat doit aller plus loin. La décharge de Mbeubeuss est grande parce qu’on ne gère pas les ordures. Aujourd’hui, l’avenir, ce n’est pas de prendre les ordures en  vrac et de les mettre quelque part. Parce que si on fait disparaître Mbeubeuss, en continuant dans le même processus, on recule le problème, on ne le résout pas. On va créer un autre Mbeubeuss parce que tant que les ordures arrivent en vrac, il faudra bien qu’on les  mette quelque part. L’avenir de la gestion des ordures, c’est le tri. On a calculé qu’a Joal, quand vous trier les ordures, le reste qu’on doit laisser dans une décharge contrôlée, constitue moins de 5% des ordures ménagères qu’une famille produit. Les chiffres ne doivent pas trop varier à l’échelle nationale.
Donc, il faut que l’Etat du Sénégal prenne une décision courageuse.  C’est de faire le tri et la valorisation. Les gens qui se tuent à Mbeubeuss doivent pouvoir faire de la valorisation, mais pas dans les conditions insalubres de Mbeubeuss. Mais il faut que les populations apprennent à faire le  tri. C’est l’avenir de la gestion des ordures ménagères.
                                                          Réalisée par La rédaction

                                                

mardi 15 juillet 2014

SIX questions à Daouda TOURE, Chargé de programme, eaux et assainissements en milieu rural UE.


Daouda TOURE, Chargé de programme, eaux et assainissements en milieu rural et à la délégation de l’Union Européenne: « On constate qu’il y’a les bases d’un succès qui sont perceptibles sur le terrain. »

 
Daouda TOURE/Cliché quoidevert?
Chargé de programme, eaux et assainissements en milieu rural et auparavant à la délégation de l’Union Européenne au Mali. Daouda TOURE est également Chargé de tous ce qu’on fait comme appui en faveur des communes. Il est à la délégation de l’Union Européenne du Sénégal depuis 2011.Cet essai s’interroge sur les critères de choix, les acquis des projets complémentaires GIVAD-GAVAD dans la commune de Joal-Fadiouth et celle de Mbour.
Entretien avec Quoi de vert ?

1-    A l’échelle national, les déchets constituent  un véritable casse- tête pour les collectivités locales à l’échelle nationale .Quels sont  les critères de choix de la commune de joal  pour le financement  des deux projets  que sont  Givad d’abord et Gavad ensuite ?
Merci bien pour votre question qui est très intéressante. En fait, on a lancé des appels à projets pour toutes les communes du Sénégal. Les deux projets pour la commune de Joal et la commune de Mbour ont partagé avec les autres communes le respect des premiers critères de choix qui  sont entre autres la pertinence du projet par rapport au besoin des groupes cibles, la pertinence par rapport aux objectifs de l’appel à proposition. ; et puis également la pertinence par rapport aux politiques nationales en matière de gestion des déchets et aussi en matière de décentralisation. Un des critères aussi qui est très important à signaler, c’est la conception  de l’action ; c’est-à-dire qu’on regarde comment  l’action est agencée en termes d’objectifs, de résultats et de cibles qu’on veut atteindre. On regarde aussi le respect des aspects comme la valeur ajoutée éventuelle en termes de mobilisation  sociale,  en termes  de  genres, en termes environnementales ; en termes aussi d’intercommunalité par exemple comme dans le cadre de Gavad ; c’est un aspect qui a milité en faveur du choix  de cette action. On regarde aussi l’efficacité en terme de stratégie ; c’est-à-dire qu’est ce qu’on propose comme stratégie et comme mise en œuvre ; on regarde est ce que si cette stratégie est pertinente et faisable. Et enfin, on regarde aussi l’efficience où on fait le rapport coût-Bénéfice de l’action. Donc ce sont ces critères là qui ont milité en faveur du choix de Joal comme d’autres projets qu’on a choisi également au Sénégal.


2-     A 6 mois de la fin de l’échéance du projet Gavad, comment analysez –vous les résultats obtenus  par ces projets  complémentaires ?
En termes de résultats, il faut reconnaitre qu’il y’a des retards qu’on a enregistré dans la mise en œuvre de ces deux actions .Ce qu’on constate qu’il y’a les bases d’un succès qui sont perceptible sur le terrain ; avec l’implication des parties prenantes, on a une prise de conscience  pour le changement de comportement. Donc on sent sur le terrain qu’il y’a quelque chose qui est entrain de se construire Et  çà c’est encourageant. Maintenant ce que nous voulons ici noté, c’est qu’il faut profiter du temps qui reste pour consolider ces acquis. Et si nécessaire, si l’on pense qu’on a besoin du temps pour  consolider ces acquis là, c’est des choses que nous sommes disposer à donner ; parce qu’un projet de changement  de comportement c’est sur la durée ; ce n’est pas de la précipitation. Mais on sent une amorce de changement qui on espère va aboutir à des résultats probables.
3-    Gavad est –il une réponse locale face à des  enjeux  globaux en matière de gestions des  déchets ?
Un enjeu global doit connaitre un début de mise en œuvre de manière pratique. Et cela ne peut se faire que par des pilotes et des actions sur des territoires, sur des localités. On peut avoir un enjeu national mais, il faut commencer quelque part. Ce genre de projet est un début de réponse locale à des enjeux qu’on retrouve partout au Sénégal. Ces deux actions sont des réponses opérationnelles pour le renforcement des capacités des communes en matière de gestion participative de toute la chaine de gestion des déchets. Maintenant, les succès enregistrés vont permettre de vulgariser cette action peut être dans d’autres domaines. Aujourd’hui le renforcement de capacité se fait pour la gestion des ordures, pourquoi pas  aussi pour la santé et l’éducation. Donc c’est dans des cas pratiques de gestion locale qu’on peut vulgariser  au plan national.

4-     Après le succès des projets Givad et Gavad, quelles opportunités pour les autres communes du Sénégal ?
La première opportunité, c’est la disponibilité d’outils pratiques comme je vous l’ai dit. Les politiques, il faut  les définir au plan national mais il faut les opérationnaliser. Donc, il faut la disponibilité d’outils pratiques d’abord en matière de gestion de déchets .Ca c’est des aspects qui sont importants .Il y’a la réplicabilité de la maitrise d’ouvrage communale. Parce que c’est des actions de maitrise d’ouvrages communales. Donc on peut répliquer  le modèle de gestion dans d’autres communes ; ou dans d’autres secteurs comme je l’ai dit tantôt ; dans la santé, dans l’éducation. Donc ça c’est des cas pratiques. Il y’a aussi une opportunité qui est offerte aux communes pour améliorer la fourniture des services publiques ; parce que ça c’est un aspect important avec la décentralisation et autres, on n’arrive pas à percevoir cette capacité des communes ; des autorités publiques  à fournir des services publics ; parce que la décentralisation aussi c’est ça .On a découpé le territoire pour mieux répondre aux besoins des citoyens au plan local. Et puis c’est une occasion pour améliorer le cadre de vie, même avec les retombées socio-économiques sur la santé, sur le bien être des familles ; peut être au budget  familial .Quand la famille  va bien, on économise de l’argent qui peut servir à autre chose. Donc ça c’est des retombées  par exemple que les communes peuvent tirer  au Sénégal.

5-    Il y’a l’adage qui dit que ‘’toute action pour nous, sans nous, est contre nous’’ .Quelle politique en matière de gestion  et  de valorisation  des déchets ?  Et  quel  cadre pour une gestion participative  permettant  d’accroître le niveau de responsabilité des parties prenantes  sur le plan national ?
En fait cette  action est financée dans le cadre d’un  programme qu’on a et qu’on appelle acteurs  non étatique et autorité locale qui vise en fait à renforcer les collectivités dans la gestion des compétences qui sont transférées ; et aussi de trouver des moyens de gouvernance d’impliquer les populations dans la mise en œuvre de besoins pratiques de développement qu’il rencontre au plan local. En réalité, la ligne c’est comment améliorer les rapports entre les gouvernants et les gouvernés avec une forte implication  des citoyens. Nous venons encore de lancer le troisième  appel à proposition pour aller  à des échelles beaucoup plus grandes et encourager les communes à faire des actions ensembles. Des actions sur la durée, parce que pour le changement de comportement, pour la gouvernance, pour mobiliser les gens, il faut travailler sur la durée. On est  dans cette optique. Et puis également  on  réfléchit à aussi mobiliser des fonds de ressources pour les années à venir pour continuer si l’expérience qui est très intéressante ; pour continuer à renforcer la décentralisation que nous on appelle la décentralisation fonctionnelle, qui va au-delà de la décentralisation nationale, supra nationale  où  on donne de l’argent au budget de l’état. On donne de l’argent concrètement aux communes pour mettre en œuvre une compétence transférée. On l’appelle décentralisation fonctionnelle ou pratique, donc il faut mettre les communes à la tâche, à l’œuvre ; parce que les communes se plaignent de l’insuffisance des ressources et autres. Donc c’est un moyen pratique de voir comment çà se passe si elles ont des ressources.


6-     Des ordures à l’or dur, les  déchets constituent aujourd’hui une économie, Quelles stratégies  pour la capitalisation  et la vulgarisation des  bonnes pratiques, en matière de gestion  et de valorisation des déchets ?
Nous on a estimé qu’il ne faut pas attendre la fin pour capitaliser .Déjà on organise des rencontres de capitalisation. Depuis 2013, on en a organisé deux, on va organiser une aussi peut être cette année. C’est  Des rencontres de partage  d’expérience  depuis 2013 .On est aussi entrain d’envisager une modélisation de ces pratiques là pour voir qu’elle est la meilleure option .Parce qu’on s’est rendu compte qu’il faut différencié les acteurs  et il faut spécifier les tâches . Par exemple dans certaines communes, on s’est rendu compte que les comités des quartiers ne sont pas forcément des professionnels du secteur .Ils peuvent être mis seulement dans le cadre de la sensibilisation, pas dans la collecte régulière. On s’est  aussi rendu compte qu’il y’a ces aspects qu’il faut peut être développé. On s’est rendu  compte  également qu’il y’a des circuits à faire ; qu’elle est  par exemple le circuit optimal pour un charretier .Donc, il y’a la nécessité de peaufiner tout çà. On est entrain de voir et de réfléchir à comment avoir des modèles de gestion viables pour ces petites collectivités avec l’apport  aussi des redevances, des questions des financements, des questions des taxes d’enlèvement qui ne sont pas pratiquées et  qui sont des redevances. Donc çà c’est des questions qu’il faut aussi peaufiner avec un modèle qu’on peut, peut  être vulgariser  pour les autres communes. Et puis bon comme je vous l’ai dit, il y’a la diffusion d’outils pratiques qui ont été testé sur le terrain et qui peuvent être à la disposition des communes .Il s’agit maintenant de voir comment on peut organiser tout çà et en faire un bon paquet et le mettre à la disposition des communes parce qu’il ne sert  à rien de reprendre la roue s’il y’ a un amorce qui a été faite  , il faut vulgariser ,il faut capitaliser  ,il faut passer les étapes qui ont  réussi au bénéfice des communes.
En guise de conclusion, tout ce que nous souhaitons, c’est qu’il ait un rapprochement entre les élus et les administrés. C’est un aspect qui est important ; surtout dans la fourniture des services publics au niveau local .Je pense que  la matérialisation de ces genres d’action passe forcément  par l’implication de  la population dans l’amélioration de leur cadre de vie .Parce que la  gestion des ordures est un aspect  qui est complexe. C’est les populations qui produisent les déchets, mais c’est eux qui accusent les autorités de ne pas les enlever ; d’où l’implication de tout le monde .C’est à dire on peut produire moins de déchets ,çà donne moins de travail aux élus ;on peut être produire plus ,si on arrive à mieux organiser  le système comme par exemple à Podor où il y’a un système de tamis  et qui  est extraordinaire ;je vous invite à aller voir Podor ;vous allez comprendre qu’il organise les populations sous forme de pratiques comme le tamis  et autres ,donc çà réduit considérablement les volumes transportés ;Ils arrivent aussi à valoriser avec la production avec le biogaz. C’est intéressant bien vrai qu’il y’a d’autres maillons à compléter .Il y’a des familles qui ont été branchées et qui actuellement utilisent le biogaz pour la cuisine .Il y’a des tests qui ont été faits .Donc çà c’est des aspects qui sont importants .On prend de l’ordure puis on le transforme en or dur comme vous l’avez dis. Donc concrètement voilà les aspects qui sont importants et qui sont bien à connaitre. C’est tout ce qu’on veut .C’est des expériences pilotes  très enrichissantes .Nous espérons qu’à la sortie de tout çà, nous aurons des compétences au niveau local  et surtout qu’il  n’y ait pas de pertes d’acquis à la suite des renouvellements des conseils communaux. Parce qu’au niveau des communes et des collectivités locales, on rencontre souvent des défaillances dans l’organisation des documents d’archivage. Il faut encourager les collectivités à mettre en place des systèmes parce qu’une collectivité est une institution ; elle ne doit pas être liée à une personne .c’est ce qui est constaté généralement. Donc, il faut aller au-delà de ces enjeux, et il faut que les gens comprennent çà et qu’on  travaille pour tout le monde. J’ai une anecdote que je redis souvent : quand vous avez une commune, même si vous êtes battu, il faut aider votre adversaire parce que, vous pouvez revenir encore .Maintenant si vous mettez des battons dans ses roues, à votre retour, le travail sera plus difficile pour vous-mêmes. C’est mon dernier mot et je souhaite vraiment que les gens mettent les bouchés double dans les actions pour que les résultats qui sont attendus soient  atteints et puis qu’on ait un impact sur la vie des populations. Parce qu’on est là pour les populations. 

Propos recueillis par Baye Salla Mar











Interview avec Sokhna Die Ka sur la gestion améliorée pour la valorisation agricole des déchets (GAVAD).

Sokhna Dié KA/Chargée de programme à APTE

Sokhna Die KA , chargée de programme à l'ONG APTE:

«Que l’Etat accompagne les collectivités locales à mettre en place un système de tri à la base et de valorisation des déchets»

Pour revenir sur les projets complémentaires (GIVAD) et (GAVAD) Sokhna Die Ka, juriste environnementaliste et chargée de programme à l’ONG APTE, a accordé un entretien à Quoi de vert ? pour expliquer les contours et affirmer ses convictions dans la gestion des déchets.

  


Quel est votre domaine d’intervention et l’objectif de ce projet ?
Sokhna Die Ka : A Joal-Fadiouth, nous intervenons dans la gestion des déchets via deux projets que sont GIVAD (Gestion intégrée et valorisation des déchets) porté par notre organisation, et GAVAD (Gestion amélioration et valorisation agricole des déchets) dans les communes de Joal-Fadiouth et de Mbour, porté par la mairie de Joal et dont nous assurons l'exécution technique.
En réalité, c’est la complémentarité de ces deux projets qui a permis de couvrir toute la commune de Joal-Fadiouth et d’entamer le même processus à Mbour.
L’objectif final de ces projets est d’accompagner les populations, de mettre en place un système de tri à la base, d’aménager des unités de compostage pour valoriser les déchets biodégradables, d’aménager une unité de plastique pour le GIE Femme et plastique, d'aménager des périmètres agricoles pour promouvoir l'agriculture péri urbaine et de faire beaucoup de sensibilisation et de renforcement de capacités pour un changement de comportement.
Nous sommes convaincues que seule la gestion communautaire des déchets est la solution à l’insalubrité des villes.

L’absence de plan de gestion des déchets dans la collectivité locale de Joal-Fadiouth a rendu la collecte déficiente  dans la commune. Qu’est-ce qui a motivé le lancement des projets GIVAD et GAVAD  sur la Petite Côte ?
La collecte des déchets n’est pas seulement déficiente à Joal. J’ai l’habitude de dire, sur le ton de la rigolade, que quand tu arrives dans une ville du Sénégal, en particulier dans les communes, les déchets sont les hôtesses ; ils t’accueillent et te raccompagnent.
Donc le problème, n’est  pas seulement spécifique à Joal, c’est  un problème national. Toutes les collectivités locales sont concernées, aussi bien les régions, les communes  que les  communautés rurales.
 L’avantage à Joal-Fadiouth, c’est que la mairie   avait déjà  expérimenté et réussi un projet-pilote dans la gestion des déchets. Vu l'importance de la réussite de la phase-pilote, quand on a eu l’opportunité avec l’Union européenne (UE) dans le cadre de son programme 10e FED, on a développé un projet commun qu’on a soumis à l’UE et qui  a été financé. C’était le premier projet GIVAD. Quelques mois après, l’UE a lancé un autre appel à projet, dans le cadre de son programme «Appui aux autorités locales». On a accompagné la mairie de Joal-Fadiouth à développer un projet. L’idée, c’était de couvrir les quartiers qui n’étaient pas pris en compte par le projet GIVAD. Puisque  le montant de l’enveloppe était de 200 000 £ (131 000 000 F), on a dit que ce serait bien de voir comment développer l’intercommunalité. Cette intercommunalité qui est tant développée dans le Code des collectivités locales, mais qui malheureusement n’est pas effective dans sa mise en œuvre.
C’est ainsi qu’on a intégré la commune de Mbour. Au début, l’idée était de commencer sur  deux quartiers avant d’élargir. On s’est rendu compte que les moyens nous permettaient d’aller au-delà des deux quartiers. Donc on est parti sur cinq quartiers.
L’autre élément qui a motivé le choix de ces cinq quartiers à Mbour, c’est que vouloir régler le problème en aval sans le régler en amont, ne faisait que le reculer. Et si on prenait les quartiers de Mbour-Maure, Mbour-Sérère et d’Escale, le problème demeurerait entier, car la quasi-totalité de ces déchets provient du quartier Tefess du fait des courants marins, car tous ces quartiers se situent sur le littoral.

Sortir d’une ligne automatique et proposer une tangente, c’est-à-dire la valorisation des déchets dans l’agriculture péri urbaine. Quelle est la nature intrinsèque, voire la catégorie de déchets sur laquelle vous vous appuyez ?
Dans le projet-pilote, la mairie de Joal avait fait une étude qui avait révélé que 95 % des déchets qui étaient produits à Joal pouvaient être valorisés dans le compost. On prend tout ce qui est déchets verts, tout ce qui est déchets ménagers organiques. C’est essentiellement ces types de déchets qu’on valorise dans le compost, tout en sachant que le plastique est aussi valorisé  au niveau de l’unité plastique.

 La gestion demande une mobilisation de moyens. Certaines actions  sont onéreuses d’autres demandent plus d’engagement. Cela peut être du temps ou de la finance. Comment le projet répond-il à ces paramètres ?
Du point de vue financier, l’Union européenne a voulu nous donner assez de moyens à travers deux financements : l’un de 150 000 £ et l’autre de 200 000 £. Sur l’engagement, il y a beaucoup de gens qui sont engagés. L’engagement  qui m’a le plus séduite, c’est celui de la mairie. C’est un engagement qui est fort. Elle prend l’ensemble des décisions pour que le projet marche. Les populations sont également preneuses du projet.

Abordant l’enjeu  crucial de la gestion des déchets (la focale économie), quelles sont les approches dont vous avez eu recours pour faire comprendre à vos parties prenantes qu’à travers les déchets une activité lucrative peuvent en découler ?
 En termes de quantité, les deux projets ont investi dans les deux communes. Nous sommes actuellement à un investissement matériel de 32 charrettes et ânes (20 dans GAVAD et 12 dans GIVAD). Nous avons acheté 20 000 poubelles dont  12 000 dans GIVAD et 8 000 poubelles dans GAVAD.
A Joal, chaque foyer aura deux poubelles et un sac. Pour faire un tri sélectif entre le biodégradable, le non-biodégradable et le plastique. Nous allons réhabiliter l’unité de compostage que vous avez visitée et refaire l’unité de plastique. En même temps, on va construire  six nouvelles unités de compostage dont 4 à Joal-Fadiouth et 2 à Mbour.
Pour les charretiers et les ouvriers des unités de compostage, nous avons acheté 170 tenues et 170 paires d’équipements de protection complets (bottes, masques, gants, lunettes, fourches et râteaux). Nous allons renforcer la capacité des bénéficiaires de projet en gestion financière et en gestion  des déchets et techniques de valorisation particulièrement le compostage.
Nous allons créer «les emplois verts» par le recrutement de 32 charretiers, de 20 techniciens qui travailleront au niveau des six unités de compost. En plus du personnel qui travaillera dans les périmètres maraîchers qui seront aménagés. On a aussi aménagé trois centres de dépôt autorisés. Nous ne voulons plus parler de décharge, mais de centre autorisé ; là où on ne mettra que 2 à 3 % de déchets produits. On est en train d’aménager une piste pour rendre accessible le centre de dépôts de Fansanda, sur le bras de mer.
L’autre élément qui me semble important, c’est l’organisation de journées avec les élèves pour la «séquestration» du plastique. On accompagne les collèges, le lycée de Joal et certaines écoles à sortir et à aller sensibiliser les parents à récupérer les plastiques qui sont dans leurs écoles et leurs alentours. En plus, on leur demande de ne plus jeter le plastique. Ce qui reste, c’est de terminer les unités de compost et refaire l’unité de plastique.
A 6 mois de la fin du projet, nous en sommes à un taux d’absorption de 60 et 70 % du budget global.
Les approches pour faire comprendre à  la population qu’à travers les déchets, il y a une activité lucrative. L’idée, c’était juste d’intéresser la population. Par exemple, si tu prends la TOM, il n’y a que 10 à 15 %  qui la payent au Sénégal. Dans ce projet, ce qui a permis aux gens de s’engager, c’est qu’on leur a fait comprendre que non seulement on  les accompagne, mais aussi on les autonomise et mieux ils peuvent avoir de l’argent avec les déchets. Si nous prenons le comité de Diamaguène, non seulement, leur charretier à un revenu mensuel de 80 000 F, mais c’est un comité qui réussit à faire des bénéfices et à investir dans le social. Et quand le social est mis en avant, les gens sont beaucoup plus coopérants et adhèrent. Les déchets, personne ne veut vivre avec. Les gens veulent se débarrasser de leurs ordures. Quand ici, à Joal, on leur propose une alternative où ils ne verront plus leurs déchets trainer, où ils verront leur quartier propre et avoir de l’argent qui appartient au quartier, je pense qu’il suffit juste qu’ils y voient les retombées en contrepartie ; c’est-à-dire une bonne gestion du comité de salubrité.

Que nous disent les indicateurs sur la quantité de déchets  valorisée ?
On n’a pas fini d’aménager les infrastructures. L’ancienne unité ne valorise que les déchets de trois à quatre quartiers. On ne peut pas trop se prononcer sur la valeur économique. Ce n’est pas encore très important. On est en train de mettre sur pied une stratégie de commercialisation. On a même démarché la SAPCO qui est preneuse de tout ce qu’on produit comme compost. Présentement, je ne peux vous dire exactement ce qu’on sort en termes de produit fini, parce que les infrastructures sont toujours en cours de réalisation. Une fois les infrastructures  terminées et qu’on aura commencé la valorisation dans toute la commune de Joal, je sais qu’on aura une grande quantité de  déchets valorisés.

Revenant sur le point de la suppléance comme le sous-tend le principe de subsidiarité (l’un des principes du développement durable) quelle est la valeur prise par le renforcement des capacités dans ce  cas d’espèce ?
D’une manière générale, notre logique d’intervention s’inscrit dans la durabilité des actions que nous menons sur place. C’est pourquoi, dans la quasi-totalité des projets qu’on a eu à mettre en œuvre, que ça soit à Joal, à Saint-Louis ou à Kayar, nous mettons beaucoup l’accent sur le renforcement des capacités et sur les infrastructures. Parce que cela ne sert à rien de renforcer la capacité des gens s’ils n’ont pas où l’exercer.
Donc on renforce leurs capacités et on leur donne des endroits où ils peuvent  les mettre en œuvre. Ça permet de pérenniser le projet parce que nous sommes appelés à partir dans 6 à 7 mois au maximum. On finit au mois décembre les deux projets. Là, ce qui est en train de se produire nous permet d’avoir bon espoir que quand nous ne seront plus là, les gens vont se prendre en charge. Parce qu’il faut le reconnaître, la gestion des déchets incombe aux collectivités locales. Mais le système tel qu’il est articulé au niveau de Joal, c’est une «délégation de service public» qui est mise au niveau des quartiers. La mairie  demande à chaque quartier de s’occuper de ses déchets. Quand le quartier ne s’occupe que de ses déchets, ça devient moins problématique. L’essentiel pour nous, c’est que le système marche, que le charretier soit payé à la fin du mois, quand il y a un problème particulier pour la charrette, qu’elle puisse être entretenue.
Concernant les bénéfices qu’ils ont à travers le paiement de la redevance mensuelle des foyers, on n’interfère pas, on fait juste un suivi et un contrôle pour vérifier l’effectivité du respect des procédures de dépense.
Y a-t-il eu une réorientation ou  étiez-vous une fois confronté à un problème lors de la mise en œuvre ?
Joal, avant le projet-pilote, était invivable. Vous remarquez qu’entre la mer et le bras de mer, c’est à peu près 700 m de distance et c’est à la fois  une zone de migration et  d’inondation importante. Et si chaque personne produit au moins 200 grammes de déchets par jour, sur 50 000 habitants, le résultat est vite trouvé. C’est vrai que c’était critique à Joal, mais nous  avons été très séduits par le projet-pilote. Et on a dit que l’idéal serait de l’élargir dans la commune de Joal-Fadiouth et dans toutes les villes du Sénégal.

A 6 mois de la fin du projet, quel bilan ou quels impacts positifs sur les  dimensions du DD ?
Je parlerais plutôt d’effets, parce que la notion d’impact fait intervenir beaucoup d’autres facteurs. L’effet immédiat, aujourd’hui, c’est le changement de comportement constaté chez les populations. Egalement, on se rend compte que Joal est devenue beaucoup plus propre. J’étais très séduite et agréablement surprise par la propreté des quartiers qu’on a eu à visiter. Economiquement, les comités de salubrité arrivent à être indépendants. On leur a doté de poubelles, de charrettes et d’ânes, et on est en train de renforcer leurs capacités pour leur dire : «Allez-y, vous pouvez y arriver
Parallèlement, l’argent que la mairie devait utiliser pour gérer les déchets, va servir à l’éducation, la santé, entre autres. L’autre effet est lié à la santé ; elle est cruciale dans un environnement. Je suis plus adepte de la prévention que de la guérison. Nous profitons de l’occasion qui nous est offerte pour remercier ENDA-Santé avec qui nous sommes en partenariat. Ce qui nous a  permis de prendre en charge pas mal de choses. On ne devait pas intervenir au niveau du quai de pêche, ce partenariat nous permet de le faire. Ils sont venus renforcer la mutuelle de santé de Joal-Fadiouth. Ce qui nous a permis d’inscrire tous les charretiers de Joal-Fadiouth et les  techniciens de l’unité de compost. Ils ont tous une couverture maladie à hauteur de 80 % sur l’ensemble des actes médicaux fait dans le district sanitaire de Joal et environ. Ils ont également une prise en charge médicale sur l’ensemble des médicaments qui sont disponibles au niveau de la pharmacie du district. On est en train de voir comment externaliser la prise en charge à Mbour et éventuellement dans les pharmacies privées. Mais tout ça est en cours de négociation. Je sais que rien que la prise en charge médicale à elle seule est un facteur d’allégement qui permet aux populations de se faire soigner.
Actuellement, nous réfléchissons avec nos partenaires de ENDA-Santé sur comment prendre en charge les familles de ces charretiers. Ça n’a pas encore démarré, mais c’est là où nous voulons arriver. Que les gens puissent travailler décemment et que ceux qui travaillent dans les déchets soient vus comme des travailleurs nobles. En réalité, la gestion des déchets est un travail noble parce que tu aides la population à  vivre dans un cadre et un environnement sain et correct. Pour inciter les populations  à la propreté, nous avons lancé à Joal  «le prix vert» où on va primer vers le mois de novembre le quartier qui aura fait le plus d’efforts.
 
Cliché Quoidevert?/Sokhna Dié KA chargée de programme à l'ONG APTE

Des efforts restent à faire à l’entrée de la ville. Quelles solutions d’ici à la fin du projet ?
Pas d’ici à la fin du projet, mais disons d’ici à un mois. C’est mon objectif.Nous sommes en train de voir comment mettre en rapport le lycée et le séminaire de Ngazobile.Parce que les déchets sont sur une propriété privée de Ngazobile. Bien vrai que ce sont les populations de Joal-Fadiouth qui y déversent leurs déchets, mais c’est un titre foncier de l’Eglise catholique.
Donc, dans un délai de deux à trois semaines, on voudrait enlever tous ces dépôts sauvages à l’entrée de la ville. C’est quasiment les seuls points saillants qui nous restent à régler. L’autre solution, c’est au niveau de Joal extension ou de CARITAS de trouver un endroit pour que les gens puissent y déposer leurs ordures, en attendant qu’on finisse d’aménager les infrastructures. Parce  que nous notre credo, ce n’est pas de déposer les déchets, mais c’est de les valoriser à 95 ou 98 %.

La problématique des déchets est un phénomène national. Comment faire bénéficier aux autres communes l’expérience de Joal ?
Nous sommes en train d’élaborer un document de capitalisation. Nous travaillons sur la base de projet et de financement des bailleurs. C’est vrai qu’il n’y a pas mal de communes qui nous sollicitent. Mais comme on n’a pas de moyens disponibles, on propose aux communes deux solutions : monter un projet et aller chercher de l’argent quand il y a des  appels à projets. Sinon, s’ils ont un partenaire financier, nous pouvons les accompagner dans la conception technique et la mise en œuvre. Cela ne nous pose aucun problème et on n’est pas non plus fermé vis-à-vis des communes et des collectivités locales, parce que ce qui nous intéressent, c’est que les gens puissent vivre dans un environnement sain et harmonieux.
En guise de conclusion, je demanderai à l’Etat du Sénégal d’accompagner les collectivités locales et de mettre beaucoup plus l’accent sur la valorisation et le tri que sur le dépôt en vrac. Je pense que l’expérience de Mbeubeuss est édifiante. Et ça va être compliqué, à la limite impossible de faire accepter dans les collectivités locales ou dans les communes les centres d’enfouissement techniques. La population de Sindia ne nous démentira pas.

                                                                          Interview Réalisée Par Baye Salla MAR